Être passeur de danse

Ne pas imiter le mouvement, mais devenir sa vibration, disait Malkovsky sans relâche.

Représentation de la Danse Libre de Malkovsky au Festival d'Uzès 2010
Festival d’Uzès 2010 ©Photo L.Paillier

La différence entre un mouvement dirigé vers un but et, un mouvement dansé n’ayant aucune finalité autre qu’une poésie n’a pas été énoncée clairement par Malkovsky. Les expressions transformez les ondes sonores en ondes visuelles, sentez, pensez, étaient récurrentes, mais ni explicitées, ni étudiées pour être incorporées.

Au cours de mes années d’enseignement, j’ai partagé l’art de Malkovsky avec de nombreux amateurs et des danseurs professionnels. Tous ont en commun leur corps influencé par leur vécu. Ils sont tous uniques. Chaque « moi » est le produit de multiples facteurs personnels, mais ils ont des points communs : leur constitution biologique et leur conditionnement social occidental.

Interpréter suppose que le corps soit le médiateur de la communication.
Malkovsky le voulait transparent. Est-ce possible ? Le corps fait obstacle à la pureté, mais c’est par lui que le travail d’épure se fera. Cependant, la mémoire musculaire des habitudes corporelles est inscrite en profondeur et ne peut être effacée facilement. Il est, dans le cadre de l’interprétation, primordial de pouvoir accéder à cet inconscient somatique. À la lecture de L’Usage de soi de Mathias Alexander, on peut saisir la difficulté que nous avons à vouloir changer des inscriptions corporelles. Les répétitions, avec la conscience des changements à atteindre, permettront l’état de corps où la conscience somatique se superpose à la conscience esthétique de la danse. Alors pourra advenir une certaine transparence.

L’intimité du rapport à soi, plutôt que la copie, s’épanouira à travers les mouvements, les formes et leurs organisations spécifiques au style. On ne peut parler d’interprétation du répertoire lorsqu’il y a accommodements avec ses propres incompétences techniques.
L’attention portée à la sensorialité, l’écoute des allers-retours des perceptions et des sentiments qui en découlent, développent la sensibilité, non la sensiblerie.
Sentez le mouvement, répétait Malkovsky pour donner la clef.
Pour nous convaincre de l’indispensable incorporation de notre conscience somatique, de l’imaginaire du répertoire, afin de pouvoir extérioriser son style, Malkovsky disait : Il ne faut pas danser les danses de M. Malkovsky, il faut que ce soit les vôtres.

Représentation de la Danse Libre de Malkovsky au Festival d'Uzès 2010
Uzes Danse Festival 2010 – Parc du Duché, Uzes, juin 2010 © Photo Laurent Paillier

Toujours respectueux de l’écriture du chorégraphe, la connaissance des précisions gestuelles favorise une extériorisation lisible, repérable, musicale, permettant d’identifier la danse libre en tant qu’art fondé par Malkovsky.

La compréhension de la cohérence du déroulement spatio-temporel du mouvement en accord avec le flux musical m’a donné la précision dans la fluidité. ! L’engrangement des allers-retours de la sensorialité m’a donné la liberté émotionnelle dans l’interprétation du répertoire de Malkovsky.

La transmission

La parole est à moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute.

Montaigne

Cette formule de la transmission vaut aussi bien pour une transmission de corps à corps, que pour l’appropriation à partir d’une partition. La responsabilité des uns et des autres est partagée et suppose que l’on renonce au fantasme de soumission à la vérité d’origine.
La transmission est un acte à deux, celui qui donne et celui qui reçoit, elle se partage.

Transmettre une esthétique

Une œuvre attachée au corps d’un chorégraphe est impossible à transmettre. En revanche, il est possible d’en préserver l’esthétique. Je me suis donc attachée à identifier et nommer les composantes de l’esthétique et de la dynamique de la danse libre de Malkovsky.

Représentation de la Danse Libre de Malkovsky au Festival d'Uzès 2010
Festival d’Uzès 2010 ©Photo L.Paillier

Extraits de Dans les pas de Malkovsky

Après deux années de transmission aux danseurs : Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Lénio Kaklea, Mikaël Phelippeau, Enora Rivière, des spectacles furent donnés dans des lieux prestigieux.
La présentation de ces danses a soulevé de la curiosité et un questionnement.
C’est ainsi que le Centre National de la Danse m’a sollicitée pour une conférence avec des démonstrations faites par les danseurs. Voir le livret sur la Conférence Dansée.