La danse archéologue
Festival. Malkovsky revisité à Uzès Danse, le 12 juin 2010.
Pour sa 15e édition, le festival Uzès Danse, dirigé de main délicate par Liliane Schaus, aussi responsable du Centre de développement chorégraphique, remet ses pendules à l’heure.
En invitant la « danse libre », en replaçant les spectacles au coeur de la cité, en invitant la parole poétique, la manifestation revient aux fondamentaux : la danse in situ. Modeste mais ambitieux par ses objectifs artistiques et sociaux, le festival a du charme, celui d’une danse actuelle qui se lit (lie) sur un mur médiéval. Samedi, le spectacle d’ouverture, Danses libres, de Cecilia Bengolea et François
Chaignaud, est révélateur de l’esprit patrimonialement rebelle de l’art chorégraphique. En remontant de courtes pièces des années 20 aux noms évocateurs – J’ai cueilli ta fleur, Petit Berger, les Trois Petites Filles, Danse avec voile -, les chorégraphes remettent au goût du jour – et surtout de la nuit, dans le jardin de l’Evéché – le travail de François Malkovsky.
Né en Tchécoslovaquie en 1889, le chorégraphe chercheur, grand défenseur d’Isadora Duncan, s’inspira des mouvements des animaux et de la nature pour atteindre son idéal de liberté.
Aujourd’hui, on ne pourrait qu’en rire, ce qui fait d’ailleurs du bien, mais la présence sur scène de Suzanne Bodak, qui suivit l’enseignement de Malkovsky survolte l’atmosphère car elle ne danse décidément pas comme les jeunes interprètes qui l’ont invitée. Légère, sans intention, elle se balade, elle promène son idéal de danse sans contrainte bien que tout soit parfaitement écrit jusqu’à la position de base. C’est un ravissement. Et que ce festival soit le réceptacle et le diffuseur d’une telle aventure intergénérationnelle en dit long sur la volonté d’une certaine danse de ne pas se plier aux seules lois du marché. Le patrimoine l’y aide.
MARIE-CHRISTINE VERNAY