Dans le langage de Malkovsky, les deux mots danse et libre sont inséparables. Ils rendent compte d’une danse et d’un style de danse apparue au début du XXe siècle, dont les caractéristiques sont identifiables. Elle est en opposition à la danse classique.

En référence à la danse libre de Malkovsky, le style disparaît si on privilégie le mot libre.
Au studio, il n’y avait rien de libre dans la réalisation des mouvements.
La liberté devait se trouver dans la maîtrise d’un mouvement fonctionnel, qualifié de spontané et naturel par Malko. Mais la beauté du mouvement naturel est difficile à trouver, car les habitudes piègent l’effort de transformation. Étant à l’aise avec nos habitudes, leurs transformations demandent un effort.

L’exigence de qualité et d’épure du mouvement nécessite du travail, du temps, de la confrontation, de la réflexion. Elle repose sur une prise de conscience de l’écart entre les habitudes naturelles et le travail sur de nouvelles formes dites naturelles, mais inhabituelles.
Pour devenir danse, il faut ajouter à ce niveau de conscience kinesthésique, une présence à la visibilité de l’acte dansé avec un imaginaire personnel, enrichi par une émotion personnelle : la méta kinésie.

Le style de Malkovsky, a des spécificités qui diffèrent des styles de danse d’autres chorégraphes.
Cet ensemble de caractéristiques n’est pas du registre des mouvements spontanés, sans efforts, qu’il appelait naturels.
Par exemple :

  • Pour un changement d’orientation :
    • Le bassin tourne, mais pas le buste, c’est une contrainte.
    • La tête tourne, mais sans le buste, c’est une contrainte.
    • Le pied d’appui ne tourne pas d’emblée avec le regard et le bassin. C’est une contrainte qui exige la conscience du poids sur l’appui.
    • À la fin d’un geste de bras, l’avant-bras et la main restent dans l’espace, immobiles, pendant que le regard et le buste tournent pour une nouvelle orientation. (Inférieure à 180°)
    • « Ne reprenez pas ce que vous avez donné ». Cette contrainte exige de l’élasticité dans le haut du buste.
  • Musicalement :
    • Le temps fort est à la fin du trajet du bras. Fin de trajet signifie, geste déployé, bras allongé.
      Cette contrainte repose sur l’anticipation, le goût des lignes dans l’espace et le désir d’ouverture.
      La réalisation d’un mouvement est liée à la maîtrise de la gravité.

Ces quelques exemples font partie de l’architecture du style et de l’esthétique du mouvement, à la fois fonctionnel, fluide, épuré et révélateur d’un geste artistique.
L’artistique repose sur la transformation de la fluidité fonctionnelle par la prise de conscience et l’amplification des possibilités corporelles quotidiennes. C’est ce que Malko appelait le « peu », et qui fait « un monde de différences ».
Les émotions, et les images qui motivent le mouvement sont la matière mais non l’architecture de la technique. Les danses de Malko ont un ordonnancement, un agencement à respecter. Ni les sentiments, ni les émotions ne sont une contrainte, par contre, la technique l’est.
Cependant, si les formes et les concepts sont réduits à une activité de bien-être ou de distraction, la gravité influence les lignes vers le bas. La danse perd son style, l’attraction vers l’élévation disparaît.
La danse libre de Malkovsky n’est pas libre dans son immédiateté, la liberté est à trouver dans la maîtrise incorporée des contraintes. Seul l’imaginaire est libre.
L’évolution de la danse libre de Malkovsky réside dans la mise en gestes de concepts actualisés, mais non dans la déperdition des principes de la technique.
Je vous propose quelques documents sur les exigences stylistiques de Malkovsky.